La nouvelle la plus étonnante
Extrait de « La nouvelle la plus étonnante », article de Carmelo Virone, publié dans le Carnet&les Instants à propos de la prestation du « Big Band de Littératures Féroces », à L’Aquilone (Liège) le 25 janv. 02.
[…] je veux vous annoncer un événement tellement inattendu que les Bruxellois penseront qu’il s’est passé en Flandre, que les Français y verront une marque de l’esprit anglais ou germanique, que les Européens s’imagineront qu’il n’y a que dans les nouveaux territoires d’Amérique, au Québec ou à Berkeley, qu’on puisse rencontrer de telles marques d’enthousiasme, et tous se tromperont, car c’est en Wallonie que se produisit ce fait hors du commun, et non point même chez les Comtes de Hainaut, comme on le pourrait encore concevoir, mais dans une province de l’Est ; je veux vous parler de quelque chose qui a provoqué des cris, des rires, des déferlements d’émotion, des applaudissements à tout rompre et l’aboiement de deux chiens de passage, quelque chose qui réunissait une soixantaine de personnes, ou quatre-vingts peut-être, dans la petite salle d’un établissement liégeois plein à craquer, personnes qui furent tellement heureuses de ce qu’elles venaient de vivre et d’éprouver que beaucoup prolongèrent la soirée jusqu’à plus soif, quelque chose qui s’appelle – avez-vous deviné ? accepterez-vous de me croire quand je vous aurai enfin dévoilé ce qui me donna autant de plaisir, n’y verrez-vous pas plutôt la marque d’une humeur taquine – qui s’appelle, je vous le donne en mille avant que vous ne donniez votre langue au chien, qui s’appelle : une soirée littéraire.
Assurément, vous penserez que la fièvre m’a pris : une soirée où se trouvent réunis dans la même attention vibrante vieillards et jouvencelles, où rien ne fait bailler d’ennui, où l’on rit pour mieux réfléchir, avant de s’étrangler tout à coup d’émotion, où nul ne se hausse le col, même si chacun met la plus grande application à accomplir bien son travail, où la poésie semble flotter dans l’espace et se trouver chez elle dans la vie quotidienne, une telle soirée c’est au cinématographe qu’on peut la vivre, au théâtre à la rigueur, mais qu’il s’agisse d’une soirée littéraire ! Et pourtant ce sont bel et bien des écrivains qui motivaient notre réunion en ce lieu, des poètes mêmes, regroupés sous l’enseigne du Big Band de Littératures Féroces. Et les moyens par lesquels ils retinrent notre attention n’étaient que de simples mots, prononcés à haute et intelligible voix. […]
Dom
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