La promenade
Dans la promenade, c’est comme dans l’absinthe : on s’absente. Je marche. Je débusque en moi un malade, assailli par une armée de médecins. Je l’encourage à courir. Et voilà qu’il parvient à semer ses poursuivants et s’enfuit au souffle de la Meuse, un vent qui connaît son couloir, au bord du lit, connaît sa fonction, envoie ses petits balayeurs éventer cervelet, entrelacs, poussière des bibelots tapis sous le crâne. Le malade s’abandonne à ces courants incontrôlables que nul homme, jamais, ne put ourdir. Il rapetisse. Il prend un vol de feuille ou de papillon. Le plaisir est alors dans la mort du moindre but. Et toutes les petites questions qui éclosent dans l’oreille, dans l’œil, dans le nez, se mettent à rire. Des petits rires de verre qui se fracassent dans un plaisir extrême sur l’extrême dureté des socles et des garde-fous. Les mots non plus n’ont plus le moindre but. Ils chantent. Chichos et tchanthès boutent coquilles ingénues d’allégretto aux molles incantations de jazz. J’entends quais courbes et lignes du temps s’allonger sans inquiétudes, fabriquer de sourdes voix. Ce manteau de son s’en vient panser les blessures crues de mes ventres. Et les petits poids de mes yeux écossés s’échappent et flottent comme des anges au sexe plat que vient cueillir la paume pleine de mes silences virtuoses. Ma montre tombe à l’eau. Et mes petits tours découvrent l’éternité, légère, des langues au repos.
Dominique Massaut