Bartelt, Les bottes rouges (3)
Comme les bistrots sont en voie de disparition, y compris le café du commerce, et qu’on n’a donc plus que rarement l’occasion de déverser, dans un orgasme très mâle, le plaisir de ses lectures autour de boissons alcoolisées et de compagnons indulgents, indifférents ou interdits, j’ai décidé de déposer sur ce site quelques courts extraits de livres que j’ai aimés. L’avantage, pour le coup, c’est que, si vous vous en faites le réceptacle (ou l’écho distrait), ce sera cette fois le résultat d’une démarche volontaire.
Le commencement avec Franz Bartelt, dont je me suis mis dans la tête, en boulimique total que je suis, de dévorer l’ensemble de l’œuvre.
Franz Bartelt, Les Bottes rouges (Gallimard, p. 80) :
[…] il peint comme un accident de la route : la couleur giclante, le coup de pinceau contondant, la ligne écrasée au service d’une inspiration d’artiste autoroutier. Dans son œuvre, beaucoup de paysages, toujours comme vus de la vitre d’un camion, beaucoup de dégoulinures aussi, trop diront certains, à quoi Quartonnier rétorque : « Je suis démocrate. La matière est libre, elle fait ce que bon lui semble. D’ailleurs, je vous apprendrai que ce que vous appelez trivialement dégoulinures, moi, j’appelle cela des affluents. Ils viennent nourrir la ligne principale. Ils sont gorgés du sang de l’art. Je n’aime pas la courbe nue. Le centrifuge éclabousse, c’est une loi physique. Quand une ligne tourne, elle est soumise à cette même loi. Ne me parlez pas d’éclaboussures, ces taches sont un harmonieux éclaboussis, celles-là d’ineffables dégoulis. Je travaille beaucoup le macoulis, le ponctuis, le contaminis, le pouacris, le crottis, le lavis, le rincis, le rouillis, le cambouis, le morvis, le déchargis. Et, si vous me le permettez, le roupieux. »
Franz Bartelt, Les Bottes rouges (Gallimard, p. 79) :
J’aime les peintres, car ils peuvent exprimer des choses très compliquées sans commettre de fautes d’orthographe. Il y a des tableaux qui valent de gros romans.