Dominique Massaut

Lettre au Grand Méchant Loup

in Bafouille incontinente N°24, Avril 2012, Ed. boumboumtralala, Liège, Belgique

Lettre à Monsieur le Grand Méchant Loup (transmise, forouardée, à Madame la Planète)

Monsieur le Grand Méchant Loup, Monsieur le Grand Méchant Plouf, on vous voit depuis toujours sauter à pieds joints dans la fonte de nos petits dos de beurre.
Vous vous y cachez, Messieurs les Petits Méchants Bouh !, vous vous y cachez, et lancez de ci de là vos poignées de peurs, sur nos terres virtuelles, et vous attendez le temps des récoltes en jouant de vos petits zapperons-pouces.
Monsieur le Grand Méchant Flou, vous jetez mille et une nuits troubles, calculées, dans tous les mots tranchés que vous trouvez. Et vous préparez des sauces aigres-douces pour dénaturer la brutalité de nos fleurs, de nos fruits, de nos racines. Vous conduisez nos troupeaux de pensées vers de belles phrases aux voix dormantes.
Monsieur le Grand Méchant Choux, vous avez des façons rondes, bardées, hypnotiques dans des menaces orchestrées de terribles frimas, ou versez vos salades dans de déshydratantes campagnes, tandis que, avec Madame la Grande Méchante Soupe, vous dissolvez dans vos charités fumantes les poisons de vos vilenies.
Madame la Grande Méchante Course, vous nous poussez dans de longues vies tristes, dans des secondes de stress, à nous agiter comme de petits drapeaux permanents sous les vents de votre passage.
Monsieur le Grand Méchant Sou, vous nous appâtez avec des ors que vous ne lâchez pas.
Madame la Grande Méchante Mouche, en tous lieux de vos placements, vous déposez autant de toxicité que d’œufs.
Madame la Grande Méchante Bourse, vous faites baisser le prix de la verroterie. Et vous martelez les mains de verre qui les fabriquent. Vous êtes l’église, vous êtes le temple, vous êtes la mosquée où, même déchaussé, on n’entre plus qu’avec une carte de pape, avec un chèque de cheik, avec, à la main, une chaussure de cent trillions.
Madame la Grande Méchante Brouille, vous nous zizanizez avec émoticônes à la boutonnière. Votre bouille abaisse nos gardes de poissons obèses.
Monsieur le Grand Méchant Saoûl, Madame la Grande Méchante Douffe, vous nous avalez dans des bains d’eaux sèches qui nous torchent, avant de nous faire les poches. Et nous nous en allons rejoindre les sans-abris, les trois petits pochtrons.
Madame la Grande Méchante Douve, vous nous installez dans l’apathie chronique avant de nous chroniquer dans la pitié.
Madame la Grande Méchante Chnouf, vous nous rendez gentils, et gentils, et gentils. Comme les agneaux d’un berger à tête de loup.
Madame la Grande Méchante Moule, vous en affichez, de la saumure, inodore, sur la toile, sans poil et sans chair et sans os, et sans SMIG, et sans syndic, et sans Sécu. Et vous videz le bonhomme, vous revidez le bonhomme, qui fond fond fond sous des soleils-partys de luminothérapie.
Madame la Grande Méchante Douille, vous bénissez vos marchands qui maintiennent quand même l’emploi dans notre région la critique est facile mais que ferions-vous si la Fabrique ne fabriquait plus guère, plus guère, plus guère.
Monsieur le Grand Méchant Sourd, vous vous bouchez tous les orifices lorsque les cris fusent de Syrie, de Tarnac ou de Karachi.
Monsieur le Grand Méchant Clou, vous nous crucifiez sans faire de nous des modèles pour l’Eternité.
Monsieur le Grand Méchant Gnou, votre salive est d’une race carnivorace. Et sous l’herbe que vous broutez, il y a les charniers des génocides que vous semez.
Madame la Grande Méchante Bouche, vous bâillez avant de nous manger par habitude, parce qu’une Grande Bouche ça mange, Mesdames et Messieurs, ça mange avant que de discourir, ça mange après que de discourir.
Madame la Grande Méchante Joue, vous nous offrez, de temps en temps, la droite, puis la gauche, ça vous fait rire de toute façon ce n’est pas vous n’est-ce pas vous n’êtes pas là vous vous n’êtes pas là ?
Monsieur le Grand Méchant Mou, vous vivez loin, très loin, dans des piscines tièdes, où flottent des femmes tièdes, derrière des forteresses impénétrables d’air tiède.
Madame la Grande Méchante Moue, vous avez de l’empathie dans la télévision, vous vous offusquez avec nous il y a des petits méchants des petits méchants qui affluent de partout on va faire quelque chose nous reredites-vous.
Monsieur le Grand Méchant Pou, vous vous intéressez beaucoup à nous, beaucoup à nous, beaucoup à nous, Monsieur le Grand Méchant Pou.
Madame la Grande Méchante Loupe, vous savez tout de nous, sous nos puces variées, sous vos yeux en orbite.
Monsieur le Grand Méchant Cool, Monsieur le Grand Méchant Chelou, vous avez appris à chatter à l’aise aux verlans virtuoses, aux hip-hop des cités, à Jézabel ou Abdel, à Mister Starr ou Lady Gaga, aux Kevin, aux Michael, aux petits rejetons roses, aux longs chaperons gris des collèges et des lycées.
Monsieur le Grand Méchant Trou, on y tombe, on y tombe, Monsieur le Grand Méchant Trou, on y tombe tous en rond.
Monsieur le Grand Méchant Gloup, Monsieur le Grand Méchant Glouglou, Monsieur le Grand Méchant Prout, vous faites beaucoup de boucan, quand vous nous êtes digérant.
Monsieur le Grand Méchant Cou, vous ne manquez pas de satisfaction.
Monsieur le Grand Méchant Brou, vous noircissez nos aubes et nos crépuscules.
Monsieur le Grand Méchant Fuel, vous noircissez nos mers.

Mais face à ces Grands Méchants-là faits de fiel et de flouze, Madame la Bonne Méchante Boule, je vous sais gré de vous déboussoler, comme moi, du Nord au Sud, et de donner votre grand méchant coup de boule, et de gifler de tempêtes plus violentes, mille fois, que nous, ce Grand Méchant Loup, qui joue et qui joue avec nos faims avec nos soifs avec nos vies ventre à l’air.

Dominique Massaut

(ex) P.S. Et vous, Monsieur le Grand Mélanchon, vous n’êtes pas le plus grand méchant d’entre tous. Ni vous, Monsieur le dit Petit Poutou.


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